mercredi 21 décembre 2011

Une cuisson de céramiques gallo-romaines à revêtement argileux, août 2010

Réalisée simultanément avec une cuisson de pièces mérovingiennes, cette cuisson devait faire l'objet d'un article promis il y a quelques temps déjà.

Le lecteurs habitués à ces pages connaissent peut-être l'article en question, mais dans tous les cas vous le trouverez ici:
Une cuisson oxydante de céramiques du haut Moyen-Age

Soirée mémorable, et fournée qui le fut tout autant! Réaliser simultanément deux cuissons représente un gros travail de préparation, et une bonne coordination. Deux fourniers ne furent pas de trop, surtout durant les dernières heures durant lesquelles l'attention ne doit pas faiblir.
Au programme de cette cuisson en four gallo-romain, une grosse série de pièces tardives à revêtement argileux, ce que les archéologiques nomment "céramique métallescente" avec en plus des "sigillées tardives" ou "sigillées du bas-empire". Ce sont des pièces recouvertes de vernis argileux qui devra partiellement se vitrifier lors de la cuisson, rendant ainsi les pièces très dures et partiellement ou totalement étanches. Lors du refroidissement, si les bonnes conditions sont réunies, le vernis prendra parfois un reflet métallique qui justifie cette dénomination de "céramique métallescente". La raison de ces reflets reste pour le moment encore assez obscure. Peut-être qu'une couche de quartz fondu se répand à la surface des vernis, puis se cristallise dans deux sens différents lors des phases réductrices puis oxydantes, et renvoient ainsi une lumière irisée et partiellement décomposée, un peu comme lorqu'on colle deux plaques de verre avec un peu d'eau entre deux.
Dans le contexte antique, on peut considérer que ces céramiques relèvent d'une haute technicité, d'un savoir-faire immense que nous autres potiers modernes avons eu bien du mal à reproduire. En contexte moderne, ces pièces restent difficiles à réaliser, la préparation puis la cuisson des revêtements argileux restent complexes et demandent toujours un "certain" savoir-faire.  Surtout lorsque l'on travaille sans appareil de mesure de température, comme je le fais toujours. Quant on est intégriste...
Les deux fours, côte à côte, avant le début des cuissons. Ils débouchent dans la même aire de chauffe, ce qui facilite leur alimentation.



Le four est chargé, il ne reste plus qu'à allumer le feu. à ce moment les pièces, hormis celles qui sont peintes, sont toutes de la même couleur rouge terne.
le four gallo-romain est allumé vers 13 heures, le mérovingien à 16 heures. Au début, la chauffe est douce afin de ne pas précipiter l'évaporation de l'humidité résuiduelle, ce qui pourrait faire éclater les plus grosses pièces, et s'effondrer les empilements.

Après deux heures de ce "préchauffage", on commence à accélérer pour atteindre le grand feu.

 Tombée de la nuit. déjà près de 9 heures de cuisson, les pièces deviennent incandescentes et presque translucides. C'est toujours un enchantement de suivre cette apparition.

 Cette couleur rouge sombre indique que la température s'approche de 800 degrés. Nous sommes encore loin du compte et trois bonnes heures supplémentaires à la puissance maximale du four seront encore nécessaires pour atteindre la température de maturation des terres et des vernis.

 Aux dernières lueurs du crépuscule, la première cuisson est suivie avec la plus grande attention, elle sera bientôt terminée.

 Une heure plus tard, alors que la chaleur est devenue intenable dans l'aire de chauffe, nous mettons un terme à la cuisson mérovingienne.


 Et vers une heure du matin, la cuisson gallo-romaine est mise en réduction. La cheminée du four est obturée et le feu est toujours alimenté afin de priver la chambre de cuisson de l'apport de l'oxygène atmosphérique. Les gaz isus de la combustion incomplète se réenflamment au contact de l'air et se faufilent par toutes les fissures de la coupole et du système de fermeture. La température doit se situer entre 1000 et 1050 degrés. En fait je ne sais pas exactement, je ne l'ai jamais mesurée...

 La réduction est courte, 20 à 30 minutes, pas plus, pour obtenir des revêtements bruns-rouges. Le feu se meurt lentement...

 ...tandis que les flammes d'échappement s'éteignent les unes après les autres, montrant ainsi que la combustion se fait maintenant essentiellement dans le four.
 Puis ce sera la longue attente. deux jours seront comme toujours nécessaire au refroidissement du four est de sa charge.

Et le surlendemain...Défournement!


 Dés la première cruche extraite, on voit que la cuisson a été parfaite. Ici, une sigillée tardive d'Ile-de-France. Ces pièces sont d'abord peintes, puis entièrement recouvertes de vernis argileux. Les motifs apparaîtront par transparence. Ces cruches sont extrêmement délicates à cuire. Quelques degrés de trop, ou un peu trop de réduction, et le vernis argileux deviendrait opaque et cacherait les motifs sous-jacents.


 Puis un mortier à déversoir en tête de lion, le célèbre "Dragendorff 45" des archéologues.Il est parfaitement venu à la cuisson, et c'est un enchantement que d'extraire de telles pièces du four! Cette version, avec le bandeau orné de guillochis est typique des ateliers de potiers gallo-romains de Portout dans l'Ain et de Thonon, en Savoie.


Et encore une vue partielle du résultat de la fournée. Une seule pièce cassée, une ou deux quelque peu déformées. Sur plus de 100 pièces...
Que du bonheur!




Une fournée gallo-romaine, portfolio



C'était en octobre 2010.
Une grosse fournée  de céramiques gallo-romaines à revêtement argileux.
Un portfolio, pour le plaisir des yeux.
( Photos Alain Besse, grand frappeur de monnaies devant l'Eternel, Atelier Ciel et Terre)
Le four utilisé est une installation à coupole partielle, chargement par le haut.
(cliquer sur les images pour agrandir)



Vue du four en début de cuisson.

Nuit tombante...

Nuit tombante...

Dans la pénombre

Premières lueurs

A tisonner le feu...

800 degrés...

La température monte aussi devant le foyer...

Flamme d'échappement.

Toujours plus chaud...

Translucidité thermique...

1000 degrés...

Flamme d'échappement, les gaz de combustion se ré-enflamment au contact de l'air.

Dans le foyer...

Dans le four...

Une belle fournée!

jeudi 15 décembre 2011

Les fours de potiers antiques 1/3



Première partie : Les fours à coupole fixe.

Les fours antiques sont des installations à tirage vertical. Le foyer situé dans un canal allongé, l’alandier, alimente une chambre de chauffe souterraine, les gaz de combustion s’infiltrent ensuite au travers de la sole, sorte de dalle suspendue et perforée, pour aller chauffer la charge à cuire déposée dans le laboratoire.

La plupart du temps, ces installations sont partiellement, voire totalement enterrés ce qui permet ainsi l’économie d’importantes structures de soutien de la base de l’édifice.
On procède au chargement des céramiques par une porte située à l’arrière ou sur le côté du four, ouverture qui est scellée pour le temps de la cuisson.


 Le four de Sévier, en Savoie, est un des  plus ancien fours européens connus.






 la chambre de chaufe était munie d'une coupole amovible. On chargeait le four, puis ensuite on posait la coupole. Et enfin une fois la cuisson réalisée et les céramiques défournées, on pouvait détacher la base de la chambre de cuisson pour la remiser avec la coupole à l'abri des intempéries.







Principaux types de fours en usage durant la protohistoire et l’antiquité. Toutes ces installations peuvent avoir été munies d’une coupole fixe ou partielle, mais aussi avoir été simplement munies d’une couverture de tessons.
Les  Celtes construisaient essentiellement des fours de type 1a et  surtout 1b. Les installations à plan carré et rectangulaire sont plus typiques de la période romaine, et ont essentiellement été utilisés pour la cuisson de grandes pièces, comme les tuiles, les amphores ou les cruches.
Parallèlement à d’autres types de fours, ce système sera utilisé durant tout le moyen-âge, jusque vers les XVI-XVIIème siècle en Angleterre notamment. 













 Les fours à coupole fixe dans l’iconographie antique.



Fourniers à leur travail. (Plaquettes votives corinthiennes du sanctuaire de Penteskouphia). 
On remarquera sur cet exemplaire le dessin de la porte de chargement sur la coupole. 










A débraiser l’alandier ! Trop de braises entravent le tirage et ralentissent la montée en température.










Etonnante représentation grecque d’un four vu en coupe !













Gestes de potiers. Ce dernier s’apprête à sortir un témoin de cuisson de son four, la main gauche en avant afin de situer le flux de gaz brulants et éviter ainsi de se brûler le visage.









Archéologie des fours:

Un four de tuiliers circulaire d’Avenches. (plan de type 1d) On y cuisait, comme à Sallèles d’Aude, des charges mixtes de tuiles et de cruches. Diamètre intérieur environ 2,50 m.



La partie supérieur ayant comme c’est souvent le cas complètement disparu, on ne sait pas si il était muni d’une coupole ou non.







 A Sallèles d'Aude, près de Narbonne, deux grands fours à amphores remarquablement bien conservés. On remarquera la visibilité particulièrement bonne des soles et de leurs structures de soutènement par murets parallèles perpendiculaires à l’alandier.






















 
Reconstitution en maquette ouverte du four visible au premier plan de la page précédente.. Sa coupole est faite de vases emboîtés les unes dans les autres et liés au torchis. On y cuisait des tuiles et des cruches.

Ces fours sont visibles aur le site-musée Amphoralis. Pour plus de renseignements: 















Et quelques restitutions modernes: 

Un petit four à coupole fixe en pleine chauffe. La température est ici proche de 1000 degrés au vu de la couleur de la flamme d’échappement (Cuarny 1999).
Une installation plus importante, qui a remplacé le petit four précédent, usé par le temps. On distingue les deux briques qui, par la fermeture partielle de la cheminée, appelée aussi registre dans notre jargon, permet ainsi de contrôler l’atmosphère de cuisson. Complètement fermé, le registre permet alors facilement de procéder à une fin de cuisson réductrice. Le feu refoule alors violemment par la gueule du foyer
Les registres réglables sont pratiques quant il faut contrôler la température de cuisson par évaluation en observant la couleur d’incandescence des pièces en cours de cuisson.

Les fours à coupole fixe sont les plus difficiles à construire, mais les plus faciles à conduire car d’une souplesse de réglage tout à fait étonnante. 

Et enfin, pour terminer une vue à l'intérieur de même four, en cours de cuisson. La magie du feu...

Les fours de potiers antiques 2/3

Deuxième partie : Four puits à chargement par le haut.

Ce genre de four ne comporte pas de coupole et se charge par le haut. On fait ainsi l’économie de la porte, qui fragilise toujours la coupole de couverture. Dans ce cas, la charge à cuire est protégée par une couche de tessons.

Ce type de couverture, au contraire du système à coupole fixe, pose une difficulté pour régler le tirage. Une bonne expérience des cuissons permet toutefois de réaliser des fournées de céramiques sombres en mode réducteur. Dans ce cas, il est nécessaire de recouvrir la couche de tessons de terre meuble ou de cendres.

Par contre, modifier le réglage du tirage en cours de cuisson est très difficile et ne peut se faire qu’en obturant partiellement le foyer, ou en recouvrant partiellement les tessons de braises ou de cendres.
Ces installations sont les plus courantes dans le monde romain. Elles sont puissantes, rapides et efficaces. Leur construction est simple et ne nécessite que peu  d’entretien. Les pièces mises à cuire sont très exposées aux flammes et les surcuissons entraînant une déformation d’une partie des pièces sont fréquentes.


Il existe toutefois de nombreux types hybrides, situés entre le four à coupole et le four puits. Parfois munis d’une simple étroiture comme ci-dessous, ces fours ne différent guère des fours puits conventionnels.

 
Ils seront dans le cas ci-dessus recouverts de tuiles ou de tessons, l’étroiture permettant d’obtenir une meilleure rétention de la chaleur. Lorsque l’amorce de coupole est plus importante comme ci-dessous, la couverture peut se faire au moyen de plaques de torchis ou d’une collerette, et alors le fonctionnement d’une telle installation s’apparentera à un four à coupole fixe.




 
La base de ce four, ici représenté sans sole, est un système utilisé à la Tène finale ainsi qu’au Haut Empire. De gros vases coincés entre la languette et les banquettes latérales faisaient office de support pour l’entier de la charge. Des soles temporaires ou amovibles ont aussi été utilisées dans ce genre d’installations, qui s’apparentent au type 1b présenté dans l'article précédent.










Exemples archéologiques :



A Braives, en Belgique, un four de potiers de plan circulaire. On y cuisait des céramiques claires de type « Terra Rubra » (céramiques à revêtement argileux rouge mat originaire de Gaule Belgique)
Ce four ne comporte pas de porte et se chargeait par le haut. Diamètre intérieur environ 1,20 m. (Belgique). Son état de conservation est presque parfait, la chambre de cuisson est presque intégralement conservée.







Belle perspective sur l’aire de travail d’un four  circulaire de Bram. (F) (diamètre intérieur du four : 1,80 m.).La plupart des fours antiques sont profondément enterrés, ce qui rend leur construction beaucoup plus sûre et permet le plus souvent d’éviter fissures et effondrements. Cela nécessite l’aménagement d’une importante aire de travail devant le foyer. Le fond de cette fosse se situe à presque 2 mètres sous la surface du terrain.



 
Et restitutions modernes : 


Un four à coupole partielle. Ces installations se chargent par le haut, et sont ensuite couvertes par une couche de tessons ou une collerette. De cette manière, le fonctionnement est très proche d’un four à coupole fixe conventionnel.


Belle vue à la nuit tombante. Pouvoir observer ainsi l’évolution des températures de cuisson est non seulement très pratique et utile, c’est aussi un enchantement absolu.

















Un four puits sans coupole...






...et sa couverture de tessons.








Dans ce cas, il faut jauger la température de ces derniers, ce qui est un peu plus délicat. Le mieux est d’aménager un petit espace entre un groupe de tessons, d’où on pourra apercevoir quelques unes des céramiques en cours de cuisson.