dimanche 13 octobre 2013

Céramiques gauloises du Pas-de-Calais, approche des techniques de fabrication, deuxième partie


 Comme promis, voici enfin la seconde partie de cette approche expérimentale des techniques de fabrication des céramique gauloises du Pas-de-Calais.
Ainsi que nous l'avion vu dans le premier article, ( http://arscretariae-archeoceramique.blogspot.ch/2013/06/ceramiques-gauloise-du-pas-de-calais.html ) ce sont des récipients partiellement modelés et partiellement tournés. Parfois aussi probablement partiellement moulés, et donc montés par assemblage de plusieurs parties.
Nous allons ici voir une méthode de montage possible pour les forme hautes, un vase balustre datable de la période de la Tène D1 (150-80 av. J.-C.).
Parmi les modèles à disposition, nous avons pu nous référer à une telle pièce fragmentaire, mais dont suffisamment d'éléments sont bien conservés pour nous faire une idée de la méthode de montage.
Bien qu'il manque une petite section pour en avoir le profil complet, ce vase a été riche en traces de façonnage, et nous a permis de tenter un essai de reconstitution du processus de montage.
La base de ce vase montre un pied pratiquement sans anneau porteur. la panse semble avoir été soigneusement polie au tour, mais les traces qui auraient pu subsister ont presque totalement disparu avec la corrosion. De plus par endroits une gangue importante recouvre l'extérieur des tessons. Toutefois, la comparaison avec des tessons issus de vases de même forme montre que, comme sur la plupart des formes basses, une finition au tour a été pratiqués pour régulariser la forme et éliminer les traces de modelage.
De petites aspérités sont toutefois visibles juste au-dessus du pied, conséquence peut-être d'une manipulation un peu trop brutale alors que l'argile était encore souple.
 Par contre, l'intérieur, mieux conservé, montre de très claires traces de modelage. Les irrégularités sont classiques de ce type de façonnage. On peut aussi observer que le fond n'a pas été rajouté en fin de montage, comme cela peut parfois être le cas.
Vu de l'intérieur, le col présente de très nettes traces de tournage, et une probable ligne de cassures préférentielles sur le haut de la panse. Cette ligne semble se poursuivre par la trace d'un raccord de colombin ou de bandelette vers la droite. Plus bas sur l'intérieur de la panse, on observe également des traces de raclage sous forme de tracés obliques. La question de ces lignes de cassures préférentielles est importante . pour déterminer le mode de montage. Mais bien souvent, d'habiles potiers ont parfaitement assemblé leurs coupons d'argile, et la résistance des raccords presque parfaite n'engendre pas ces lignes de rupture.
Le groupe de tessons ci-dessus, issu des fouilles récentes dans le département du Pas-de-Calais (Photo © David Bardel) montre trois pièces modelées reprises au tour, qui ne présentent pas de lignes de cassures préférentielles. Par contre la pièce du bas, seulement modelée, en montre clairement une. Il est toutefois souvent possible de localiser les raccords de colombins par macrophoto, ou sur des coupes en lames minces. La différence de densité des argiles aux raccords est parfois parfaitement visible.

Document © David Bardel, in : « Société, économie et territoires à l’âge du fer dans le Centre-Est de la France. Analyse des corpus céramiques des habitats du Hallstatt D - La Tène A (VIIe-Ve s. av. J.-C.) », Thèse soutenue en 2012 à l’Université de Bourgogne.
Les exemples ci-dessus, issus de céramiques nettement plus anciennes de l'habitat de Vix ( Bourgogne), montrent clairement un montage composite.Mais on le constate aussi, toutes les cassures ne se sont pas effectuées en suivant les raccords de colombins, de loin s'en faut. De plus, le montage de ces céramiques de Vis est très bien réalisé, par des potiers (ou potières, on ne le sait pas!) qui étaient parfaitement conscients des risques de faiblesses engendrées par l'assemblage des différentes parties constitutives d'un vase. Et c'est pourquoi ils (ou elles!) ont bien pris soin de réaliser des raccords obliques, geste essentiel lorsque l'on souhaite assurer la solidité des montages.

La restitution: 
Précisons-le d'emblée, il s'agit d'une possibilité parmi d'autres. Une partie du montage pourrait très bien se faire à main levée, bien que cela compliquerait la retouche au tour. Modeler sur une tournette est plus simple que travailler sur les genoux, ou par martelage sur une forme creuse par exemple. Mais c'est une question d'habitudes et de traditions. On ne peut pas exclure qu'un partie du travail ait été faite à main levée, surtout si une division du travail était pratiquée dans les ateliers gaulois de cette région.
La suite en images:
Le pied du vase est modelé par creusage et expansion d'une balle d'argile. Dès que sa forme est correcte, on le colle sur la tournette. On veillera à réaliser son ouverture un peu plus étroite que sa forme définitive, les ajouts ultérieurs ayant tendance à augmenter le diamètre lors du pressage des raccords.
 On rajoute un première bandelette, une sorte de colombin préalablement aplati. L'idéal pour obtenir des raccords obliques serait de travailler en juxtaposant les coupons. Mais ce genre de montage est délicat, et a tendance à se décoller facilement lors de la première phase du montage. J'ai donc ici travaillé en superposant les tranches, puis en veillant bien à pétrir le raccord dans un sens (de bas en haut par exemple) à l'extérieur, puis en sens inverse à l'intérieur, ce qui a pour effet de biaiser le raccord.
On aperçoit bien les cannelures laissées par le glissement du joint-raccord, qui s'étale sur trois centimètres au moins en hauteur. Cette séction est ainsi tout d'abord soigneusement collée.
Puis la bas de la panse est battu à la spatule ou à la batte légère. Cette opération permet de régulariser la forme et ainsi les parois par expansion. Les ondes de choc améliorent aussi les transitions entre colombins.
On répète ces opérations après chaque bandelette. les éventuelles aspérités intérieures sont égalisées ou raclées à l'ébauchoir, (ou estèque), généralement des plaquettes d'ardoise pour le dégrossissage, puis de bois pour les opérations de finition.

A ce stade, on  peut commencer à lisser l'extérieur en rotation. En travaillant en plein soleil, l'argile sèche rapidement, et le travail avance à bon rythme. Il faut toutefois veiller à ne jamais s'arrêter si on se trouve ainsi exposé. Si la chaleur et le rayonnement permettent de travailler à un rythme très rapide, au moindre arrêt, quelques minutes suffiront à provoquer un séchage asymétrique et il faut donc impérativement mettre les pièces en cours dans un endroit ombragé.











A l'ombre et au calme, une dernière grande bandelette viendra former l'épaule et le col. C'est la plus difficile à poser correctement, les grands diamètres ayant une fâcheuse tendance à engendrer des amordces de fissures par tension déjà au séchage, puis encore.à la cuisson. A nouveau assemblage par superposition.
















































La phase est délicate, l'ensemble est assez instable. le accord vertical entre les extrémités des coupons doit être effectué avec la plus grande rigueur.
 Comme la bas de la panse, le haut est abondamment battu afin de lui donner sa forme finale. On distingue encore bien les traces de glissement de l'argile sur le raccord horizontal, ici de haut en bas, afin de rendre le raccord oblique.
 Si nécessaire, on battra contre une enclume. Cela permet d'amincir les parois et d'obtenir de belles formes régulières. Travailler ainsi peut être nécessaire lorsqu'on souhaite rétrécir, "rétreindre" le haut d'un vase. On peut ainsi éviter la formation de petits plis difficiles à lisser ensuite.
Le vase étant maintenant entièrement monté, on élimine par raclage toutes les aspérités intérieures, ici à la plaquette d'ardoise. Cette opération permet en outre d'amincir encore les parois. Après, il faut encore battre la partie supérieure pour la régulariser.
Puis on peut commencer le tournage du col. Le bas de la pièce s'est suffisamment raffermi pour que cette opération ne risque pratiquement plus de rompre le pied par torsion, ou pour les mêmes raisons de déformer le bas de la panse.

















En étirant le haut de la panse par tournage, on parvient à former le col et la lèvre. les irrégularités sont ensuite coupées au couteau ou mieux à l'aide d'un fil.




























Tout au cours de cette opération de tournage, on a profité de lisser la panse à l'ébauchoir, puis à commencer à la polir au galet.

On la laisse sécher un peu, de manière à pouvoir la polir, éventuellement la lustrer au chiffon de laine fine ou à la peau de daim.

Tout à la fin, on tournasse le pied, il reste très peu de matière à enlever, et le vase se décolle tout seul.























Ce vase a donc été réalisé en quatre parties, ses parois sont fines et régulières et l'ensemble est très léger.
La question qui se pose spontanément est donc:
"Mais pourquoi ne pas le tourner entièrement, d'une seule pièce? Ne serait-ce pas plus simple?"
Essayez une fois pour voir...
Je peux me permettre de dire que sans être un tourneur professionnel, j'ai tout de même une bonne expérience de la chose. Soyez certains ce n'est pas facile du tout que de tourner une telle pièce d'une seule volée. Elle mesure près de 30 cm de hauteur, le pied est très étroit. La réaliser entièrement par tournage nécessite une très grande maîtrise, mais aussi de ménager une importante surépaisseur au niveau de la base, afin d'éviter que ce dernier ne se rompe sous l'effet de la torsion, ou que carrément la pièce ne s'effondre sous son propre poids. Et cette surépaisseur, il faudra bien l'enlever d'une manière ou d'une autre, une fois le vase suffisamment séché. Cela nécessite d'importantes opérations de tournassage, c'est à dire d'enlèvement de matière par copeaux. On va "éplucher" la pièce, amincir ses parfois à l'aide d'un outil tranchant. C'est bien évidemment possible, mais relativement long et fastidieux.
Réaliser de tels vases selon des méthodes de ce type, cela permet, comme pour les formes basses décrites dans le premier article, de faire réaliser certaines opérations par des aides moins expérimentés. C'est parfaitement possible bien que cela demande tout de même une certaine habileté.
D'autre peuples gaulois, les Eduens et les Arvernes par exemple, ont réalisé de tels vases entièrement tournés, mais le contexte social et techno-culturel au sein duquel ils opéraient est différent. La difficulté a parfois été contournée en les tournant à l'envers dans un premier temps, puis en collant un pied dans un second temps, et enfin en les remettant à l'endroit pour tourner le col.et finir l'intérieur du pied.

Et ça, c'est aussi toute une histoire. Je n'ai jamais osé essayer...

Je le tenterai un jour. Promis. Mais pas demain...

Poussières

Premiers rayons de soleil du matin. Pénombre à peine dissipée
Quelques ratés de cuisson oubliés sur un coin de bibliothèque...
Quand je vous dis que je suis un collectionneur de poussières...

jeudi 3 octobre 2013

Grands chantiers

Cela faisait un bout de temps que je devais m'y mettre. C'est donc reparti avec les amphores!
Deux pièces en cours. Des Dressel 1b. Celle au premier , une quadrantale (1 pied romain cube de capacité soit un peu plus de 26 litres) plan est terminée, mais encore dans son mandrin, le temps qu'elle se raffermisse suffisamment pour la mettre en lieu sûr pour le séchage complet. Celle au second plan est plus courte. C'est uen fraction "non quadrantale" de Dressel 1b. En fait il n'existe pas de dénomination ni de typologie bien précise pour ces types réduits qui ont une capacité de 15,5 à 18 litres environ. Là, je viens de lui monter le goulot, et il faut encore lui poser les anses.
Quand je vous dis que mon atelier est tout à fait microscopique... Impossible d'y travailler à deux, on se marche dessus. Alors je vous laisse imaginer, cohabiter avec deux amphores, c'est pas toujours facile...

vendredi 27 septembre 2013

La SIgillée gallo-romaine du Haut-Empire


Préambule.

On ne saurait présenter un panorama de la céramique antique sans parler de la sigillée gauloise. Bien que je ne sois pas spécialiste du domaine, ce type de céramique reste un des incontournables de l’antiquité gallo-romaine, et je me dois ainsi de le traiter.
Le sujet est vaste, on s’en doute. Pour rappel, je préciserai ici encore que, par ce terme, je définis une catégorie bien précise de céramique antique : celle qui, qu’elle soit moulée ou tournée, décorée ou non, porte ce vernis argileux typique qui devient rouge et se vitrifie en cuisson oxydante. L’apparition et la diffusion de ce genre de vaisselle a déjà été  décrit dans l’article « La Sigillée, de ses origines italiques à son apparition dans les Gaules « 

Estampille sur une sigillée
C’est le »sigillum », le seau
De l’ateleir ou du potier
Qui donna son nom à cette
Variété de céramique antique
(O.PASN= officina passieni)
Et enfin, pour préciser chronologiquement mon propos, je place le Haut-Empire entre le début du principat d’Auguste, en 27 avant notre ère, et l’avènement de Dioclétien et la fondation de la première tétrarchie en 286 de notre ère. En ce qui concerne le début du Bas-Empire, toutes les écoles d’historiens ne pensent pas forcément ainsi, mais personnellement je trouve cette date pratique, car elle correspond au début d’une grosse série de modifications administratives au sein de l’appareil d’état romain, de son armée, mais aussi à une mutation profonde des structures sociales. On observe également une évolution rapide des styles décoratifs en cette fin de troisième siècle. La céramique n’y échappera pas, et c’est pourquoi il conviendra mieux de traiter séparément des céramiques du bas-Empire.
L’étude de la sigillée pour ses aspects très décoratifs et surtout très standardisés sera déterminante pour l’évolution conceptuelle de la céramologie. Si à l’origine, au XIXème siècle, on s’intéressa surtout à cette vaisselle dans le cadre de l’histoire de l’art, dès la fin du siècle on saisira rapidement les intérêts de ces artefacts pour l’établissement de séquences chronologiques relatives à l’occupation des sites archéologiques. Les premières typologies apparaissent, dont certaines, celles de H. Dragendorff en 1895 ( ci-dessous), ou celles de Joseph Déchelette en 1905 sont des références toujours en usage aujourd’hui. 

(
Les fouilles des camps militaires rhénans de Haltern, de Niederbieber, de Xanthen ou de Hofheim par exemple, parfois occupés seulement sur de très courtes périodes, vont initier une chronologie de plus en plus précise basée sur le répertoire des formes mais aussi et surtout sur les signatures de potiers apposées sous forme de « sigillum » sur cette vaisselle.
L’étude de la sigillée restera toutefois longtemps circonscrite à l’établissement des typo-chronologies, et ce n’est que depuis 1960 environ que l’on saisira l’immense potentiel scientifique de ce matériel. On ouvre alors des recherches sur les aspects techniques de leur fabrication, L’étude des matériaux constitutifs permettra de déterminer l’origine géographique et les ateliers producteurs et donc les courants commerciaux qui permirent la diffusion de leurs productions. Par comparaison ensuite, les connaissances de la sigillée permettront de dater d’autres productions régionales et d’autres types de céramiques, mais aussi d’autres types de mobilier archéologique. Ce n’est toutefois qu’avec l’approche contextuelle de l’archéologie que l’on sortira la céramique et notamment la sigillée du piège des typo-chronologies pour mettre l’accent sur les liens unissant des témoins matériels aux cultures au sein desquelles ils ont été réalisés, mais aussi desquelles ils ont été consommés.
Les débuts de la production :  
Diverses approches ont d’abord été tentées par les potiers gaulois, mais les difficultés techniques qu’ils rencontrèrent ne permirent pas à ce stade une production d’envergure ni surtout une large commercialisation. Les vernis de ces pré-sigillées manquaient d’éclat et ces productions ne parvinrent pas vraiment à concurrencer les sigillées des ateliers italiques. La cuisson dans des fours à flamme directe ne permettait pas ce fameux grésage des engobes et tout au plus cette céramique permettait-elle de combler un manque local ou régional de vaisselle de service répondant aux nouveaux goûts esthétiques et culinaires méditerranéens.  L’apparition assez brutale de la production de « vraies » sigillées pose la question de l’intervention directe se spécialistes venus d’Italie. Ce n’est que lorsque ces derniers ouvrirent des succursales, exportèrent leur savoir-faire, que la sigillée gauloise, cuite dans des fours à tubulures, atteignit sa morphologie aboutie. En fait elle reprenait le répertoire des formes produites par les ateliers italiques, à tel point que sans analyses physico-chimiques, il est souvent presque impossible de les différencier des modèles produits à Arrezzo et Pise entre autres. 
Carte des ateliers de sigillée en Gaule. La production est proportionnelle à la taille des marquages. la Grufesenque, Lezoux, L'Argonne et Rheinzabern sont les centres les plus importants
Peu après le tournant de l’ère, une importante production apparut à Millau, sur le site de La Graufesenque, qui après quelques essais hésitants, devint rapidement le plus important centre de production de sigillée gauloise. L’exceptionnelle qualité de cette céramique déboucha sur un énorme succès commercial, un évènement sans précédent dans l’artisanat antique de la céramique. Bien que seulement 3% du site aient aujourd’hui été fouillés, on sait qu’au moins 500 potiers ou ateliers de potiers connus par leurs estampilles ont exercé en ce lieu entre le Ier et le début du IIème siècle de notre ère. 
Carte de diffusion des productions de La Graufesenque
Dés les années 30 à 50 de notre ère, les productions de La Graufesenque ont été distribuées dans toute la partie occidentale de l’Empire, voire parfois beaucoup plus loin. Au Sud, c’est au moins jusqu’au Soudan que ces céramiques ont été retrouvées. A l’Est, en plus de fréquentes découvertes en Inde, on en a découvert dans un site archéologique du Delta du Mekong !
Non seulement les quantités de céramiques produites dans ces ateliers sont énormes, et peuvent se compter en milliards de pièces (à la Graufesenque seulement, on évalue la production totale entre 1 et 3 milliards. Vous avez bien lu, entre 1'000'000'000 et 3'000'000'000…), mais avec les fouilles on commence à en comprendre la structure, notamment par ces étonnants bordereaux d’enfournement, dont plusieurs complets et au moins 50 fragmentaires ont été jusqu’ici découverts :
Souvent bilingues comme celui-ci, notre méconnaissance de la langue gauloise rend leur interprétation difficile.

autagis cintux XXI
tuθos decametos luxtos
uerecunda canastri S = D
eti pedalis CX
eti canastri ==D
Albanos panias (I)XXV
Albinos uinari D
Summacos catili (I)(I)CDLX
Felix scota catili V CC
Tritos priuatos paraxi V DL
Deprosagi paraxidi (I)(I)DC
Masuetos acitabli IX D

Les deux premières lignes sont en gaulois et signifieraient : premier bordereau de 21 / dixième four chargé.
Les lignes suivantes, en latin, donnent des noms des potiers, à consonance gauloise : Albanos, Albinos, Deprosagijos, Felix, Masuetos, Priuatos, Scota, Summacos, Tritos, Uerecundos.
La deuxième colonne cite les noms des vases : acitabili (petits bols à sauce vinaigrée), canistri (corbeille ?), catili (assiette, plat), panna (coupe), paraxidi (jatte), uinari (cruche ou pichet ?). Les dimensions de certains sont précisées par les signes S= ou ==.
Enfin, les quantités indiquées permettent de savoir que la fournée comptait à peu près 28 000 pièces. Et ceci n’est peut-être que le premier bordereau. Mais soyons rassurés, la taille des plus grands fours ne permettait d’y placer que l’équivalent de deux bordereaux comme celui-ci…
Une assiette ( catilus) signée de l'atelier de Quadratus de La Graufesenque. Un travail parfait.

Détail d'une coupe "Dragendorff 29b" exposée au Musée de la Cour d'Or à Metz. Un fleuron de l'époque de spendeur de la sigillée moulée.
Photo © Wikimedia Creative Commons, licence GNU FDL
 L’expansion :
 Ce succès entraîna des vocations, et dès les années 20 à 50 des ateliers secondaires vont commencer à essaimer autour de La Graufesenque. Si certains restent peu connus, d’autres se développeront avec les années, comme Montans, ou plus tard Banassac.
Tesson de Montans, au coloris un peu plus foncé
A peu près en même temps, de nouveaux ateliers ou groupes d’ateliers vont se créer ou s’adapter en Gaule du centre, à Lezoux dès 10 ap. J.-C., puis en Gaule de l’Est, dans la Vallée de l’Argonne ou encore en Alsace et en Moselle entre 50 et 70. De nombreux ateliers régionaux tentèrent également leur chance dans ce qui était devenu un immense marché. Certains connurent le succès, d’autres moins et leur activité fut éphémère. On parle parfois d’ »imitations de sigillée » pour ces productions, parfois aussi de « sigillées régionales »et il faut bien avouer que, les frontières entre ce qui peut être défini comme une « vraie » sigillée et ses « imitations » étant difficile à situer, les palabres entre spécialistes de la question sont parfois assez vives.
Une assiette des ateliers d'Avocourt I au revêtement orangé satiné caractéristique. cette forme "Dragendorff 18/31 est très fréquente dès le IIème siècle.
Photo © Wikimedia Creative Commons, licence GNU FDL

Le même type, issu de l'officine de Sinzig, en Gaule de l'Est. Déterminer les origines de telles pièces est très difficile et même les spécialistes s'y perdent... L'anneau guilloché n'est pas caractéristique. Plus qu'une fonction décorative, ce guilochage était destiné à masquer les traces de collages ou de pression exercée par l'empilement des pièces à la cuisson.
Photo © Wikimedia Creative Commons, licence GNU FDL
A la fin du Ier siècle, ce seront ainsi plusieurs dizaines d’ateliers qui produiront de la sigillée, généralement diffusée seulement dans les régions avoisinantes. Et ce sera en même temps le début du déclin des plus anciens, comme La Graufesenque par exemple. Effets de concurrence certainement, leur monopole ne tenant plsu face à la nouvelle concurrence. Mais peut-être manque de combustibles aussi. Faute de gestion du domaine forestier, certains ateliers ont épuisé d’immenses surfaces arborisées, jusqu’à s’épuiser eux-mêmes, à force de devoir s’approvisionner de plus en plus loin de leurs fours…

Techniques de décoration.    



Une petite coupe Drag.27 lisse de Lezoux (fin Ier siècle)
 Contrairement à ce que beaucoup de publications, d’expositions ou de pages internet peuvent nous laisser imaginer, la grande majorité des céramiques sigillées ne porte pas de décor particulier. Elle est tournée, puis le profil affiné par tournassage, et enfin simplement polie et engobée. C’est ce que nous appelons dans notre jargon de céramologues, la « sigillée lisse ». Exception notable à cette qualification, les guillochages, qui peuvent dans certains cas agrémenter la surface externe de certains vases, mais aussi, spécialement en ce qui concerne les anneaux guillochés à l’intérieur des assiettes, empêcher les collages ou les marques disgracieuses lors de la cuisson.
Une autre assiette Dragendorff 36 de Sinzig. C'est une pièce tournée, simplement décorée à la barbotine sur son marli. Il n'était pas d'usage de guillocher un anneau dasn ce type d'assiette, et on remarque bien la marque laissée par celle qui lui était superposée.
Photo © Wikimedia Creative Commons, licence GNU FDL
En ce qui concerne les sigillées décorées, la technique reine est sans contestation possible le moulage. Dans une première étape, il faut fabriquer la matrice, une sorte de bol hémisphérique dans laquelle les motifs qui devront apparaître en relief sur les moulages sont imprimés en creux à l’aide de poinçons. C’était un travail de spécialistes, et sur d’assez nombreuses pièces d’époque, on voit apparaître la signature du mouliste en plus de celle de l’atelier qui produira les épreuves.
Un moule pour bols Dragendorff 37, probablement de Rheinzabern.
On observe par ailleurs d’autres techniques de décoration en relief, par exemples les motifs en applique. Dans ce cas de figure, le relief est pressé séparément dans un moule, puis collé à la barbotine sur le corps du vase encore humide. Cette technique est souvent associée à un décor secondaire réalisé à la barbotine, à main levée au moyen d’une douille ou d’une pipette. Cette technique du décor à la barbotine est parfois aussi utilisée seule.
Une pièce exceptionnelle type "Déchelette 72" portant un décor mixte par appliques moulées avec des rehauts de barbotine. Lezoux, IIIème siècle
 On voit aussi d’autres types de décors, par exemple les motifs excisés. Dans ce cas on procède par enlèvement de matière au moyen d’un outil coupant, gouge ou couteau. 
A nouveau un type Déchelette 72 à décor floral excisé du Musée de la Céramique à Lezoux.
 Une constante évolution.

L’histoire de la sigillée du Haut-empire porte sur plus de 250 ans. L’effet de compression temporelle nous laisse parfois imaginer une production plutôt figée dans ses formes et ses décors. Il n’en est rien, ce type de céramique connaissant une constante évolution tant dans ses formes que ses styles décoratifs. On observe toutefois que, spécialement sur les pièces moulées, la qualité du moulage aussi bien que la recherche d’une cohérence stylistique du décor vont devenir de plus en plus aléatoires. Produites de plus en plus hâtivement peut-être par effet pervers d’une concurrence acharnée, victimes de surmoulages successifs, certaines pièces moulées du IIIème siècle ne seront plus que l’ombre d’une splendeur révolue. Mais parallèlement, d’autres formes, d’autres styles décoratifs nécessitant des techniques nouvelles verront le jour…
Un Dragendorf 30 de Lezoux. Production intermédiaire au décor simpifié, mais encore relativement net.
Photo © Wikimedia Creative Commons, licence GNU FDL

Une pièce Dragendorff 30 relativement tardive. Son décor empâté, victime de surmoulages successifs, est caractéristique de la production de masse dès la seconde moitié du IIème siècle.
Photo © Wikimedia Creative Commons, licence GNU FDL
 A cette époque, bon nombre de ces tentatives régionales auront tourné court, au profit de nouveaux monopoles régionaux. Les ateliers africains inonderont le pourtour de la Méditerranée, tandis qu’en Gaule du Centre les officines de Lezoux s’imposeront. En Gaule du Nord, ce seront les ateliers de la Vallée de l’Argonne qui domineront, tandis que les productions de Rheinzabern et de Trèves se réserveront les marchés du Rhin et du Haut-Danube.
Caractéristique des productions des IIème et IIIème siècles, ce Dragendorff 38 provient de Rheinzabern.

Mais le IIIème siècle, c’est aussi, notamment à partie des années 235 sur le Rhin, puis 255-260 dans les autres régions une période de grande instabilité politique et militaire. Ce seront 50 ans de crise aigüe qui vont bouleverser tous les circuits commerciaux et migrations aidant initier de nouvelles formes d’organisation sociale. D’importantes évolutions marqueront les productions aussi bien que les processus de diffusion de la céramique.  On entre dans l’Antiquité tardive, et traiter de la production de la sigillée de cette période nécessitera un autre billet, tant les changements sont importants

Un calice de Rheinzabern. Ce genre de pièce est plutôt rare,
mais montre que malgré une production parfois hâtive,
les potiers gallo-romaine n’avaient rien perdu de leur
créativité au IIIème siècle.
 Pour y voir plus clair, une étude progressive région par région serait nécessaire, et ce n’est pas l’objet de cet article. Un ou plusieurs livres seraient nécessaires. On pourra toutefois se référer à l’excellent :
LA CERAMIQUE ROMAINE EN GAULE DU NORD. Dictionnaire des céramiques: Raymond Brulet, Fabienne Vilvorder et Richard Delage . Brepols Publishers, Turnhout, Belgique, 2010. ISBN 978-2-503-53509-8.

Cet ouvrage, bien que traitant essentiellement de la Gaule du Nord, présente un excellent panorama des céramiques fines, pour la plupart commercialisées bien au-delà de cette région. C’est un ouvrage de référence pour quiconque s’intéresse à la céramique gallo-romaine dans son ensemble.




Gobelets à panse cannelée de Suisse occidentale


LE GOBELET A PANSE CANNELEE,
UN GOBELET GALLO-ROMAND?

Assez fréquemment découvert en fouilles aussi bien en zones rurales qu’urbanisées, le gobelet cannelé de type « Niederbieber 32 » semble être une spécificité de Suisse occidentale, voire de Suisse Romande. Qu’en est-il vraiment ? 

Un exemplaire typique découvert à Yverdon
 (Fouilles Parc Piguet, 2006, non publié)
On ne connaît pas vraiment de précurseur à ce type de récipient. Si la forme ovoïde est connue depuis longtemps, et notamment par les abondantes productions des ateliers lyonnais dès le début du premier siècle de notre ère, sa forme est toujours lisse, portant souvent un décor guilloché ou sablé, mais jamais cannelée. Il existe bien un type de gobelet multiconvexe dans le répertoire de la céramique de Gaule Belgique (dont la Cité des Helvètes fit partie jusque vers 90 de notre ère), mais sa forme générale est trop éloignée et de plus cette production cesse totalement dès le troisième quart du Ier siècle de notre ère. On ne peut donc pas raisonnablement y voir l’origine de nos gobelets cannelés.
Cette forme de récipient semble donc apparaître sans précurseur en Suisse occidentale dans le courant de la seconde moitié du IIème siècle de notre ère, simultanément à l’apparition de toute la gamme de la vaisselle à vernis argileux issue de nos ateliers régionaux. Toutefois, si cette forme est assurément abondante à Lousonna (Lüginbühl 1999, Vidy 2013), et peut-être à Genève (Paunier, 1981), attestée et assez fréquente à Yverdon (fouilles parc Piguet 2006-2009, Steiner, Menna, 2004) et Nyon (Paunier, 1981), sa présence est plus discrète à Avenches (Kaenel 1974, Castella-Meylan 1994, Bosse, 2004) ainsi qu’à Berne.



Les sites de production :

Plusieurs sites de production sont attestés : 

Lousonna : Deux ateliers ont fourni des rebuts de production de ce type : L’atelier « du secteur 23 » situé dans l’avant-dernier ilot sud-ouest du vicus a fourni de nombreux ratés très fragmentés, dont de nombreux gobelets ovoïdes, certains cannelés. A La rue de Chavannes 29, à la périphérie Est du Vicus, deux fours ont été découverts en 1984 et là aussi dans leur mobilier de comblement des gobelets se rapportant certainement à la production de l’atelier ont été identifiés. Les styles cannelés y sont aussi présents. 
Les gobelets des sites de production identifiés dans le vicus de Lousonna: A gauche un exemplaire de l'atelier dit "du secteur 23", et à droite un autre de l'atelier de la Rue de Chavannes 29. (Lüginbühl, 1999)
Trois bords de gobelets issus des fouilles universitaires 2013 à Lousonna. Le premier bandeau, plutôt étroit, correspond bien aux dessins des exemplaires issus des ateliers tout proches, dans l'îlot 23 ou à la Rue de Chavannes 29. (Photo P.-A. Capt)
 La datation de ces gobelets cannelés lausannois peut se fixer par analogie avec les autres formes produites, soit entre la fin du IIème et le début du IIIème siècle de notre ère.

Avenches, Défini comme assez rare (Castella, Meylan-Krause, 1994) à Avenches et dans sa région, une production a toutefois été attestée lors de la fouille en 2003 du dépôt de ratés de cuisson de la propriété Seynave. Les gobelets ovoïdes à panse cannelée n’y sont toutefois représentés que par 2 individus (0,09% de la production), alors que la forme lisse en compte 465 (21,31%) sur un total de 554 gobelets comptés, représentant le quart de la production de céramiques à revêtement argileux de cet ensemble.(Bosse, 2004). 

Les gobelets cannelés d'Avenches: A gauche, le Type 49.1 selon la typologie Castella / Meylan-Krause (BPA 1994). Cette forme est considérée comme « assez rare ». A droite, les deux exemplaires AV 49.1 de la propriété Seynave (Bosse, 2004)
Cet ensemble de la propriété Seynave est toutefois assez peu représentatif en ce qui concerne ces gobelets cannelés. Sa datation est assez tardive, vers 250, et il est possible que la production de cette forme ait été en déclin à ce moment-là.
Par ailleurs, les ateliers ayant produit de la céramique à revêtement argileux à Aventicum entre la fin du IIème et au début du IIIème siècles n’ont pas été découverts à ce jour. Cette classe de céramiques ayant été produite en abondance à dans cette ville, il est assez probable que les données seraient modifiées en cas de nouvelle découverte.

Bern-Engehalbinsel :
Diverses fouilles, notamment vers les années 1900, puis 1930-1949 ont mis à jour plusieurs fours de potiers sur la presqu’île de l’Engehalbinsel, et exhumé de nombreux ratés de cuisson dont bon nombre de pièces qui ont pu être recollées.
Malheureusement, malgré le grand intérêt de cette production, le résultat de ces fouilles n’a jamais été sérieusement étudié, et à ce jour aucune publication n’a été réalisée. Quelques gobelets cannelés y sont présents, du même type que ceux de Lausanne et Avenches. D’autres exemplaires ont été retrouvés en contexte de consommation dans le vicus de Brenodurum qui occupait une bonne partie de la presqu’île.

Un exemplaire à trois bandeaux, apparemment
Découvert en contexte de consommation dans le vicus
(Bernischer Historisches Museum, réserves,
Photo P.-A. Capt)

Un exemplaire à quatre bandeaux, apparemment
Découvert en contexte de consommation dans le vicus
(Bernischer Historisches Museum, réserves,
Photo P.-A. Capt)
 
On remarque avec un certain étonnement la présence simultanée d'exemplaires à trois et à quatre bandeaux. Comme pour les autres productions, L'alternance des bandes lisses et guillochées ne semble pas répondre à une règle déterminée. Si l'alternance de bandes lisses et guilochées est systématique, le bandeau supérieur peut êttre soit lissse, soit guilloché, que le gobelet soit à trois ou quatre bandeaux. Chercher à déterminer une origine par l'observation de cet agencement semple pour le moins hasardeux.
En ce qui concerne la datation de ces céramiques bernoises, on doit donc par analogie avec les autres productions de mêmes types l’estimer vers la fin du IIème et la première moitié du IIIème siècle. Toutefois, il se pourrait que cette production se soit poursuivie jusqu'à la fin de l'activité des ateliers, vers les années 270-280, datation absolue des dernières productions repérées en sites de consommation, sur la villa rustica de Worb notamment.

Thonon :
Plus surprenante est sa production aux ateliers de Thonon. Actuellement en cours d’étude, mais non publiée, cette production, dont 5 tonnes au moins de ratés de cuisson a été récupérée en 1974 et des centaines de pièces remontées, montre un répertoire de style relativement différent des ateliers helvètes. Mais on retrouve à nouveau le gobelet cannelé, parfaitement identiques aux productions lausannoise et bernoise.
Gobelets cannelés issus des fosses de ratés de cuisson de Thonon. la ressemblance avec les exemplaires issus des fouilles en Suisse occidentale est confondante...(photo P.-A. Capt)

Un autre exemplaire, déformé et fissuré à la cuisson
(remontage et photo L. Berman)
Les sites de consommation :

Il est difficile de dresser une liste exhaustive des sites sur lesquels ce type de gobelet cannelé a été identifié. Nombreux sont les ensembles issus de fouilles récentes encore non publiés, et nombreux également sont les fouilles qui n’ont fait l’objet que d’un rapport sommaire.
Panses de gobelets "Lausannois" ? Découverts à Lousonna assurément, de plus à quelques dizaines ou centaines de mètre de deux ateliers de production attestés. Mais l'analogie avec des exemplaires de Thonon est tellement frappante que seule une analyse des argiles permettrait de certifier leur origine.
Ce type de gobelet est bien sûr clairement identifié sur certains sites de consommation liés aux ateliers qui ont produit ce type de récipients. Le cas le plus spectaculaire se trouve à Lausanne, où des fouilles tout récemment conduites dans la partie Ouest du vicus ont permis de retrouver un dépôt de plusieurs dizaines d’exemplaires brisés. Il se trouve qu’il est absolument impossible de recoller les tessons par leur éventuelle proximité dans ce dépôt. Les fragments issus de mêmes individus étant complètement dispersés indiquent clairement que ces gobelets étaient brisés avant leur abandon dans ce qui a pu être une arrière-cour. Il ne s’agit donc assurément pas de ratés de cuisson, mais plutôt de la résultante d’un effondrement d’étagère ou alors des stigmates d’une scène de hooliganisme d’auberge…. Ce ensemble sera pour le moins intéressant à comparer avec les ratés de cuisson issus des ateliers de l’îlot 23 et de la Rue de Chavannes 29, tout proches géographiquement. 

Berne et Avenches ont également livré plusieurs exemplaires dispersés dans les habitations de ces localités. Un de ces exemplaires découvert lors des fouilles du site « en Selley » à Avenches se situant dans une couche datée de la seconde moitié du IIIème siècle nous conforte dans l’idée de la poursuite de cette production jusqu’à une époque assez tardive.
Le cas de la diffusion des productions de Thonon est un peu particulier. Cet ensemble n’ayant à ce jour jamais été publié, les références font totalement défaut. Nos avons pu toutefois localiser de visu quelques productions de formes autres de cet atelier à Martigny, Massongex, Lausanne et Nyon. Que les gobelets cannelés y aient été également diffusés est donc possible.
Quant à Yverdon, l’étude des résultats de la fouille du « Parc Piguet » n’étant pas encore aboutie, il n’est pas possible de préciser la datation du ou des exemplaires découverts, pas plus que leur origine.

Un gobelet gallo-romand ?
Déterminer l’origine de ces gobelets lorsqu’ils sont découverts en site de consommation est un vrai casse-tête tant ils se ressemblent. Seule l’analyse physico-chimique comparative des pâtes et des revêtements autoriserait des certitudes.
Si sa production à Berne n’étonne pas tant les répertoires de formes de cet atelier sont proches des productions avenchoises, sa présence à Thonon surprend plus pour un type régional. Le vicus antique faisait partie de la Cité des Allobroges, province de Narbonnaise. Et il est plutôt rare que la production d’une forme régionale chevauche la frontière de deux provinces romaines, limite pas toujours très perméable au commerce local. De plus, la typologie générale de cette production ne ressemble pas à celle des ateliers helvètes et montre un faciès culturel différent.
Gallo-romain assurément donc, mais pas typiquement romand, ce type de gobelet est plutôt une spécialité régionale « transfrontalière ». Sa commercialisation en Germanie Supérieure à laquelle est rattachée la Cité des Helvètes n’est d'ailleurs pas un cas particulier, puisque d’’autres productions de Thonon ont été diffusées dans le Valais, qui appartenait à la province des Alpes Graies et Pennines. Il pourrait peut-être s'agir d'un petit succès commercial régional, une sorte de nouveau "marché de niche" dans lequel tous les ateliers locaux ont cherché à s'engager...

Bibliographie :

BOSSE Sandrine : Un dépotoir de céramiques du IIème siècle à Aventicum. Bulletin de l’association Pro Aventico, 2004. Avenches 2004.
CASTELLA Daniel, MEYLAN-KRAUSE Marie-France : La céramique gallo-romaine d’Avenches et de sa région, esquisse d’une typologie. Bulletin de l’association Pro Aventico 1994, Avenches, 1994.
LUGINGBUHL Thierry. Les ateliers de potiers gallo-romains en Suisse occidentale : Nyon, Lausanne et Yverdon. In SFECAG 1999, Actes du Congrès de Fribourg, pp. 109-124.
KAENEL Gilbert: Aventicum I, Céramiques gallo-romaines décorées, productions locales des IIe et IIIe siècles. Cahiers d'Archéologie Romande No 1. Avenches et Lausanne 1974.
PAUNIER Daniel: La céramique Gallo-romaine de Genève. Société d'histoire et d'archéologie de Genève, T. 9, Genève, 1981
STEINER L. ET MENNA F. : La Nécropole du Pré-de la Cure à Yverdon. Cahiers d’Archéologie Romande No. 75. Lausanne, 2000.