dimanche 13 octobre 2013

Céramiques gauloises du Pas-de-Calais, approche des techniques de fabrication, deuxième partie


 Comme promis, voici enfin la seconde partie de cette approche expérimentale des techniques de fabrication des céramique gauloises du Pas-de-Calais.
Ainsi que nous l'avion vu dans le premier article, ( http://arscretariae-archeoceramique.blogspot.ch/2013/06/ceramiques-gauloise-du-pas-de-calais.html ) ce sont des récipients partiellement modelés et partiellement tournés. Parfois aussi probablement partiellement moulés, et donc montés par assemblage de plusieurs parties.
Nous allons ici voir une méthode de montage possible pour les forme hautes, un vase balustre datable de la période de la Tène D1 (150-80 av. J.-C.).
Parmi les modèles à disposition, nous avons pu nous référer à une telle pièce fragmentaire, mais dont suffisamment d'éléments sont bien conservés pour nous faire une idée de la méthode de montage.
Bien qu'il manque une petite section pour en avoir le profil complet, ce vase a été riche en traces de façonnage, et nous a permis de tenter un essai de reconstitution du processus de montage.
La base de ce vase montre un pied pratiquement sans anneau porteur. la panse semble avoir été soigneusement polie au tour, mais les traces qui auraient pu subsister ont presque totalement disparu avec la corrosion. De plus par endroits une gangue importante recouvre l'extérieur des tessons. Toutefois, la comparaison avec des tessons issus de vases de même forme montre que, comme sur la plupart des formes basses, une finition au tour a été pratiqués pour régulariser la forme et éliminer les traces de modelage.
De petites aspérités sont toutefois visibles juste au-dessus du pied, conséquence peut-être d'une manipulation un peu trop brutale alors que l'argile était encore souple.
 Par contre, l'intérieur, mieux conservé, montre de très claires traces de modelage. Les irrégularités sont classiques de ce type de façonnage. On peut aussi observer que le fond n'a pas été rajouté en fin de montage, comme cela peut parfois être le cas.
Vu de l'intérieur, le col présente de très nettes traces de tournage, et une probable ligne de cassures préférentielles sur le haut de la panse. Cette ligne semble se poursuivre par la trace d'un raccord de colombin ou de bandelette vers la droite. Plus bas sur l'intérieur de la panse, on observe également des traces de raclage sous forme de tracés obliques. La question de ces lignes de cassures préférentielles est importante . pour déterminer le mode de montage. Mais bien souvent, d'habiles potiers ont parfaitement assemblé leurs coupons d'argile, et la résistance des raccords presque parfaite n'engendre pas ces lignes de rupture.
Le groupe de tessons ci-dessus, issu des fouilles récentes dans le département du Pas-de-Calais (Photo © David Bardel) montre trois pièces modelées reprises au tour, qui ne présentent pas de lignes de cassures préférentielles. Par contre la pièce du bas, seulement modelée, en montre clairement une. Il est toutefois souvent possible de localiser les raccords de colombins par macrophoto, ou sur des coupes en lames minces. La différence de densité des argiles aux raccords est parfois parfaitement visible.

Document © David Bardel, in : « Société, économie et territoires à l’âge du fer dans le Centre-Est de la France. Analyse des corpus céramiques des habitats du Hallstatt D - La Tène A (VIIe-Ve s. av. J.-C.) », Thèse soutenue en 2012 à l’Université de Bourgogne.
Les exemples ci-dessus, issus de céramiques nettement plus anciennes de l'habitat de Vix ( Bourgogne), montrent clairement un montage composite.Mais on le constate aussi, toutes les cassures ne se sont pas effectuées en suivant les raccords de colombins, de loin s'en faut. De plus, le montage de ces céramiques de Vis est très bien réalisé, par des potiers (ou potières, on ne le sait pas!) qui étaient parfaitement conscients des risques de faiblesses engendrées par l'assemblage des différentes parties constitutives d'un vase. Et c'est pourquoi ils (ou elles!) ont bien pris soin de réaliser des raccords obliques, geste essentiel lorsque l'on souhaite assurer la solidité des montages.

La restitution: 
Précisons-le d'emblée, il s'agit d'une possibilité parmi d'autres. Une partie du montage pourrait très bien se faire à main levée, bien que cela compliquerait la retouche au tour. Modeler sur une tournette est plus simple que travailler sur les genoux, ou par martelage sur une forme creuse par exemple. Mais c'est une question d'habitudes et de traditions. On ne peut pas exclure qu'un partie du travail ait été faite à main levée, surtout si une division du travail était pratiquée dans les ateliers gaulois de cette région.
La suite en images:
Le pied du vase est modelé par creusage et expansion d'une balle d'argile. Dès que sa forme est correcte, on le colle sur la tournette. On veillera à réaliser son ouverture un peu plus étroite que sa forme définitive, les ajouts ultérieurs ayant tendance à augmenter le diamètre lors du pressage des raccords.
 On rajoute un première bandelette, une sorte de colombin préalablement aplati. L'idéal pour obtenir des raccords obliques serait de travailler en juxtaposant les coupons. Mais ce genre de montage est délicat, et a tendance à se décoller facilement lors de la première phase du montage. J'ai donc ici travaillé en superposant les tranches, puis en veillant bien à pétrir le raccord dans un sens (de bas en haut par exemple) à l'extérieur, puis en sens inverse à l'intérieur, ce qui a pour effet de biaiser le raccord.
On aperçoit bien les cannelures laissées par le glissement du joint-raccord, qui s'étale sur trois centimètres au moins en hauteur. Cette séction est ainsi tout d'abord soigneusement collée.
Puis la bas de la panse est battu à la spatule ou à la batte légère. Cette opération permet de régulariser la forme et ainsi les parois par expansion. Les ondes de choc améliorent aussi les transitions entre colombins.
On répète ces opérations après chaque bandelette. les éventuelles aspérités intérieures sont égalisées ou raclées à l'ébauchoir, (ou estèque), généralement des plaquettes d'ardoise pour le dégrossissage, puis de bois pour les opérations de finition.

A ce stade, on  peut commencer à lisser l'extérieur en rotation. En travaillant en plein soleil, l'argile sèche rapidement, et le travail avance à bon rythme. Il faut toutefois veiller à ne jamais s'arrêter si on se trouve ainsi exposé. Si la chaleur et le rayonnement permettent de travailler à un rythme très rapide, au moindre arrêt, quelques minutes suffiront à provoquer un séchage asymétrique et il faut donc impérativement mettre les pièces en cours dans un endroit ombragé.











A l'ombre et au calme, une dernière grande bandelette viendra former l'épaule et le col. C'est la plus difficile à poser correctement, les grands diamètres ayant une fâcheuse tendance à engendrer des amordces de fissures par tension déjà au séchage, puis encore.à la cuisson. A nouveau assemblage par superposition.
















































La phase est délicate, l'ensemble est assez instable. le accord vertical entre les extrémités des coupons doit être effectué avec la plus grande rigueur.
 Comme la bas de la panse, le haut est abondamment battu afin de lui donner sa forme finale. On distingue encore bien les traces de glissement de l'argile sur le raccord horizontal, ici de haut en bas, afin de rendre le raccord oblique.
 Si nécessaire, on battra contre une enclume. Cela permet d'amincir les parois et d'obtenir de belles formes régulières. Travailler ainsi peut être nécessaire lorsqu'on souhaite rétrécir, "rétreindre" le haut d'un vase. On peut ainsi éviter la formation de petits plis difficiles à lisser ensuite.
Le vase étant maintenant entièrement monté, on élimine par raclage toutes les aspérités intérieures, ici à la plaquette d'ardoise. Cette opération permet en outre d'amincir encore les parois. Après, il faut encore battre la partie supérieure pour la régulariser.
Puis on peut commencer le tournage du col. Le bas de la pièce s'est suffisamment raffermi pour que cette opération ne risque pratiquement plus de rompre le pied par torsion, ou pour les mêmes raisons de déformer le bas de la panse.

















En étirant le haut de la panse par tournage, on parvient à former le col et la lèvre. les irrégularités sont ensuite coupées au couteau ou mieux à l'aide d'un fil.




























Tout au cours de cette opération de tournage, on a profité de lisser la panse à l'ébauchoir, puis à commencer à la polir au galet.

On la laisse sécher un peu, de manière à pouvoir la polir, éventuellement la lustrer au chiffon de laine fine ou à la peau de daim.

Tout à la fin, on tournasse le pied, il reste très peu de matière à enlever, et le vase se décolle tout seul.























Ce vase a donc été réalisé en quatre parties, ses parois sont fines et régulières et l'ensemble est très léger.
La question qui se pose spontanément est donc:
"Mais pourquoi ne pas le tourner entièrement, d'une seule pièce? Ne serait-ce pas plus simple?"
Essayez une fois pour voir...
Je peux me permettre de dire que sans être un tourneur professionnel, j'ai tout de même une bonne expérience de la chose. Soyez certains ce n'est pas facile du tout que de tourner une telle pièce d'une seule volée. Elle mesure près de 30 cm de hauteur, le pied est très étroit. La réaliser entièrement par tournage nécessite une très grande maîtrise, mais aussi de ménager une importante surépaisseur au niveau de la base, afin d'éviter que ce dernier ne se rompe sous l'effet de la torsion, ou que carrément la pièce ne s'effondre sous son propre poids. Et cette surépaisseur, il faudra bien l'enlever d'une manière ou d'une autre, une fois le vase suffisamment séché. Cela nécessite d'importantes opérations de tournassage, c'est à dire d'enlèvement de matière par copeaux. On va "éplucher" la pièce, amincir ses parfois à l'aide d'un outil tranchant. C'est bien évidemment possible, mais relativement long et fastidieux.
Réaliser de tels vases selon des méthodes de ce type, cela permet, comme pour les formes basses décrites dans le premier article, de faire réaliser certaines opérations par des aides moins expérimentés. C'est parfaitement possible bien que cela demande tout de même une certaine habileté.
D'autre peuples gaulois, les Eduens et les Arvernes par exemple, ont réalisé de tels vases entièrement tournés, mais le contexte social et techno-culturel au sein duquel ils opéraient est différent. La difficulté a parfois été contournée en les tournant à l'envers dans un premier temps, puis en collant un pied dans un second temps, et enfin en les remettant à l'endroit pour tourner le col.et finir l'intérieur du pied.

Et ça, c'est aussi toute une histoire. Je n'ai jamais osé essayer...

Je le tenterai un jour. Promis. Mais pas demain...

Poussières

Premiers rayons de soleil du matin. Pénombre à peine dissipée
Quelques ratés de cuisson oubliés sur un coin de bibliothèque...
Quand je vous dis que je suis un collectionneur de poussières...

jeudi 3 octobre 2013

Grands chantiers

Cela faisait un bout de temps que je devais m'y mettre. C'est donc reparti avec les amphores!
Deux pièces en cours. Des Dressel 1b. Celle au premier , une quadrantale (1 pied romain cube de capacité soit un peu plus de 26 litres) plan est terminée, mais encore dans son mandrin, le temps qu'elle se raffermisse suffisamment pour la mettre en lieu sûr pour le séchage complet. Celle au second plan est plus courte. C'est uen fraction "non quadrantale" de Dressel 1b. En fait il n'existe pas de dénomination ni de typologie bien précise pour ces types réduits qui ont une capacité de 15,5 à 18 litres environ. Là, je viens de lui monter le goulot, et il faut encore lui poser les anses.
Quand je vous dis que mon atelier est tout à fait microscopique... Impossible d'y travailler à deux, on se marche dessus. Alors je vous laisse imaginer, cohabiter avec deux amphores, c'est pas toujours facile...