lundi 29 décembre 2014

Retour sur la cuisson de Pistillus

Elle avait été annoncée, elle s'est comme prévu déroulée à Autun entre les 4 et 6 décembre derniers, elle a été magnifique!
Il y aurait tant à dire sur une telle fournée! Les aspects techniques seulement demanderaient au moins 5 articles, et encore nous n'en aurions pas fait le tour.
Pour simplifier, je préciserai que le principe est le même que décrit dans un article précédent:
"Une cuisson de céramiques métallescentes dans un four mouflé"
Reprendre une fois de plus tous les aspects pratiques deviendrait fastidieux. Pour une fois, restons-en à quelques impressions photographiques...et le reste en vidéo!

Des gobelets, encore des gobelets! Le service à boire gallo-romain constitue l'essentiel de la céramique métallescente. Donc on charge beaucoup de gobelets. Et quelques bols tout de même!
(Photo © Légion VIII Augusta)

A l'étage supérieur, des cruches et des mortiers, quelques gobelets encore... ( Photo P.-A. Capt)
Et entre les cruches et les mortiers, il reste un peu de place, que l'on comble avec des statuettes. Qui peuvent aussi faire office de cales d'enfournement...
(Photo © Légion VIII Augusta)
Ce type de chargement pourrait bien correspondre à ce qu'il se fabriquait dans l'"atelier de Pistillus" découvert en 2010 au Faubourg d'Arroux. Des moules destinés à la fabrication de tels objets y ont été découverts, mêlés à des ratés de cuisson de céramique métallescente, de cruches et de mortiers.
Rien ne se perd! Nous réutilisons  comme cheminée le col d'une amphore brisée lors d'une cuisson précédente. Puis on couvre le tout soigneusement.
(Photo © Légion VIII Augusta)
Et la cuisson peut démarrer!
Au travers des vibrations de l'air dues à la chaleur...
Photo © Sarah Pierris

Quelle chance que nous ayions cassé cette amphore la dernière fois! Très pratiques ces cols brisés; nous y repenserons la prochaine fois!
Photo © Sarah Pierris
Et en plus, cela permet un excellent regard à l'intérieur!
Photo © Sarah Pierris
Et permet un bon dégagement des gaz de combustion...
Photo © Sarah Pierris





Le public était présent, malgré la température tout à fait hivernale et un petit vent aigre propre à décourager les moins téméraires. les céramique se sont arrachée. Et, comme on pouvait s'en douter,les céramiques se sont arrachées sitôt défournées. Nous avosn pu en sauver quelqeus unes du pillage. Ce ne sont pas les plus belles, simplement des gobelets tout à fait ordinaires. Qui ne sont pas si mal que ça, tout de même.
Ce sont les mêmes pièces photographiées deux fois sous des lumières naturelles différentes. C'est ce qui fait le charme de ces pièces aux reflets irisés, cette incroyable faculté de changer de coloris selon l'environnement lumineux.
Lumière plutôt neutre, un jour de brouillard très épais.


Et ici, premier soleil du matin, en exposition directe...
On recommencera, c'est promis!

Un grand merci à:
 
- L'INRAP, qui était présente les trois jours de l'évènement, et notamment Stéphane Alix, responsable d'opérations, qui aa dirigé les fouilles de l'atelier de Pistillus, qui qui nous a mis à disposition toute la documentation nécessaire à la reconstruction de ce four de Pistillus!

- A la Ville d'Autun, qui a mis à disposition le four, mais surtout la maison , la "Domus Augustae", abritant le siège social de la Légion VIII

-Au staff de l'association Légion VIII Augusta, sans qui rien n'aurait été possible, qui nous a mis gracieusement toutes ses infrastructures à disposition.

- Au réalisateur de la vidéo, JORI AVLIS  (José Da Silva) membre de l'association Légion VIII Augusta.

- A tous les inconditionnels qui nous ont accompagnés lors de cette fournée mémorable, notamment  Véronique et Dom' de la Poterie des Grands Bois, au aussi Claude Aussage, céramiste et constructeur de fours au long cours!

- Et enfin à Sarah Pierris du Creusot, photographe et auteure d'un beau set de photos!

Pour rendre visite à quelques protagonistes:

Claude's Aussage Pots

La Poterie des grands Bois









mercredi 19 novembre 2014

LA CUISSON DE PISTILLUS

Les 4, 5 et 6 décembre 2014, Le potier gallo-romain Pistillus revivra à Autun, en Bourgogne! 

En partenariat avec l'association LEGION VIII AUGUSTA, l'INRAP et la Ville d'Autun, une cuisson de céramiques romaines aura lieu au siège de l'association, la Domus Augustae, à Autun en Bourgogne.
A cette occasion, je personnaliserai Pistillus, le potier gallo-romain de l’Antiquité basé à Autun à la fin du IIe siècle et au début du IIIème siècle ap. J.-C

Le public pourra assister à toutes les étapes de cette aventure, de l’enfournement des pièces le jeudi matin jusqu’à l’ouverture du four le samedi matin à 11 heures.
Programme

Jeudi 4 décembre
De 10h à 12h : chargement du four
De 14h à minuit : cuisson
(vin chaud offert aux visiteurs)

Vendredi 5 décembre
Rencontres avec le public

Samedi 6 décembre
11 h : ouverture du four, vin chaud et mise en vente des pièces sorties du four
Après-midi : vente des céramiques


À propos de la cuisson

Nous présentons pour la première fois au public toute la démarche d’une cuisson expérimentale telle qu’on suppose qu’elle a pu être pratiquée dans l’atelier de Pistillus, mais aussi dans les ateliers récemment découverts dans le quartier antique de la Gennetoye, près du Temple de Janus.
Dans ce but le four qui a fonctionné plusieurs fois sur la Place des Marbres a été transformé afin d’approcher au plus près la configuration qu’il avait lors de son utilisation au début du IIIème siècle à Augustodunum. C’est ainsi qu’on tentera d’y réaliser une série de gobelets et coupes métallescentes, mais également de la céramique dorée au mica et des statuettes en terre blanche.

Mise à jour vendredi 5 décembre: 
La cuisson a eu lieu comme prévu hier jeudi. 
A suivre sur la page Facebook de la Légion VIII
 https://www.facebook.com/LegionVIIIAugusta





Téléphone : 06 77 47 32 32
Adresse postale : 6 avenue du 2ème dragons
71400 Autun

jeudi 9 octobre 2014

Une cuisson de métallescentes dans un four mouflé

En 2010, une fouille de sauvetage conduite par l'INRAP dans le  Faubourg d'Arroux à Autun mettait au jour, dans un quartier de l'antique Augustodunum où se mêlent belles demeures et installations artisanales, l'atelier supposé du potier Pistillus. Ce dernier, un coroplathe jusqu'alors connu par ses signatures figurant sur des moules destinés à la confection de statuettes en terre blanche, n'était que supposé être originaire de cette ville. La découverte par les archéologues de l'INRAP de moules, figurines et ratés de cuisson signés Pistillus, ainsi que d'un four assez bien conservé, commence à lever le voile sur l'activité de cet artisan. Cet organisme a mis en ligne un reportage intéressant sur ces découvertes, vous pourrez le découvrir ici:
http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-10804-Pistillus-celebre-potier-antique-retrouve-a-Autun.htm
Mais e plus intéressant, aux yeux de l'archéocéramiste est sans conteste le four:
Vue de dessus des vestiges du four. la sole s'est partiellement effondrée et a été réparée deux fois au moins, puis le four a été abandonné après le dernier accident. On remarque encore, particularité rare et étonnante, l''insertion de plaques de chemisage le long des parois. Ces protections permettaient de canaliser le feu le long des patois de la chambre de cuisson, et ainsi les "coups de feu" pouvaient être évités sur les céramiques mises à cuire.
Photo © Stéphane Alix / INRAP
Ce four comporte donc un élément particulier, apparemment jamais documenté sur les installations de cette époque, le haut-empire entre le Ier et le IIIème siècle. Il s'agit bien d'un "mouflage" ou d'un "chemisage" de la chambre de cuisson afin de réduire les risques de coups de feu. Mais était.ce bien nécessaire pour y cuire des statuettes? Pas forcément...
De très nombreux tessons de céramique métallescente ayant été retrouvés tout autour du four ainsi que dans son aire de travail, nous supposons que cette installation n'a pas servi qu'à cuire des statuettes ou de la céramique commune claire comme des cruches par exemple, mais qu'il était probablement principalement destiné aux gobelets engobés à couverte métallescente. Or, sur ce type de céramique, si on souhaite donner ces fameux reflets irisés au vernis argileux, une cuisson assez vigoureuse atteignant de fortes températures est nécessaire. Le risque de voir de nombreuses pièces surcuites, brûlées et parfois déformées devient assez important et peut nécessiter des précautions particulières. Ce chemisage peut en être une excellente raison. L'essentiel de la chaleur et des flammes passant par les ouvertures latérales, les "carneaux", le montage d'une paroi intermédiaire formée de plaques de terre cuite peut s'avérer une excellente solution.
Mais comment cela fonctionne-t-il?
Le meilleur moyen de la savoir est de tester une combinaison. Nous avons réalisé ainsi une cuisson expérimentale lors d'un cours de spécialisation avec des céramologues INRAP à Autun même, la ville qui a vu Pistillus développer son art! La ville d'Autun mettait pour l'occasion son four à disposition, l'installation même qui avait été construite pour les Journées Romaines peu après la découverte du Faubourg d'Arroux.
L'expérimentation était prévue de longue date et le four a donc été aménagé pour la circonstance.
L'association Légion VIII Augusta mettait également des infrastructures à disposition, le "four de Pistillus" ayant été installé définitivement dans le parc attenant au siège social.
Mais revenons maintenant au principe de cette cuisson
La vue en plan schématise le réseau des ouvertures de la sole. En rouge, les plaques qui constituent le chemisage interne. Les pointillés montrent le système de supports  sur lesquels repose la sole. Sous cette dernière, on maintient ainsi un important espace pour la répartition des flammes qui assureront un chauffage optimal.





Ces plaques du chemisage, assez fines, ne peuvent pas dépasser une certaine hauteur, une trentaine de centimètres paraissant un maximum. Plus hautes, elles deviendraient très fragiles et risqueraient de se casser ou de fortement se déformer lors des cuissons. Les arrêter à mi-hauteur de la chambre de cuisson permet aussi de s'en servir comme supports d'étagère de reprise de charge. On peut donc ensuite empiler un maximum de pièces au-dessus de la "chambre à gobelets" sans que ces derniers risquent de se déformer sous la charge.
De plus les températures atteintes dans ce genre de four sont fortement dégressives. Ainsi une charge complète de gobelets peut parfaitement être surcuite au fond, et sous-cuite tout en haut. Les premières seront hors d'usage, et les secondes devant être recuites. Travailler ainsi permet de combiner deux variantes de céramiques, la gobeletterie métallescente cuite à haute température, puis des communes claire nécessitant une chaleur moindre. Mais en sommes-nous certains? Pas vraiment tant que nous n'aurons pas retrouvé les restes d'une cuisson en place dans un four.. Les vestiges d'étagères sont connus dans de nombreuses installations, et pas seulement les fours à sigillée ou les plaques reposaient sur les raccords de tuyauterie interne. Mais d'autres fours à flammes vives ont livré de nombreux éléments de tuiles plates surcuites, qui très vraisemblablement étaient constituées en casiers permettant ainsi d'empiler des céramiques sur de grandes hauteurs.
De plus, quid des carneaux internes? il ne subsiste aucune trace de protection quelconque qui ait permis d'atténuer les flammes passant par ces orifices. Même si ces carneaux sont de petite taille, il ne semble pas logique que les potiers de Pistillus se soient donnés tant de peine pour chemiser ce four et laisser les carneaux à nu! la réponse nous parviendra plus tardivement, après l'installation de notre four, lors des fouilles du quartier de la Gennetoye en juillet 2014. Sous la forme de douilles de réduction bloquent partiellement le passage des gaz de combustion par les carneaux internes. Il ressemblent à des beignets et ne laissent pratiquement pas de traces...
Pour cette édition, nous avons opté pour des cales tubulaires percées de petits évents latéraux, souvent documentés sur d'autres installations, mais pas encore à Autun... Ils fonctionneront un peu comme des diffuseurs de gazinières tout en servant également de supports d'étagères.
Le four équipé de sa chemise interne et des cales tubulaires. Certaines se trouvent sur des carneaux, d'autres pas et ne servent que de cales d'étagères.
Installer un tels chemisage est assez rapide, et ces plaques peuvent au besoin être démontées pour des cuissons plus classiques. On y gagne ainsi en volume utile.

 Et c'est parti! Nous attaquons le chargement, opération périlleuse s'il en est. C'est paradoxal, mais c'est souvent là qu'on fait de la casse... Les pièces crues, souvent très fines sont très fragiles.

 En fait, c'est lors du chargement du four que tout se stabilise. Lorsque la partie inférieure est remplie, les risques d'effondrement de piles de céramiques ou de basculement de cales ou de plaques deviennent pratiquement nuls.

Les plaques intermédiaires sont posées, consolidant encore le tout. Ce sont d'anciennes tuiles moulées à la main. La terre sableuse dont elles sont constituées résiste parfaitement au feu, mais la répétition des cuissons peut entraîner d'importantes déformations ou affaissements.

 La partie supérieure est à son tour remplie. On y met quelques gobelets engobés qui fonctionneront comme témoins de température.

Puis une bonne couverture de tessons pour assurer la rétention de chaleur... Il est 14 heures et la cuisson peut démarrer! Combien de temps durera la cuisson? Nous n'en savons rien. Une première fournée en décembre dernier avait montré que le four tirait bien, mais en cette occasion, avec le chemisage et la température qu'il sera nécessaire d'atteindre, cela risque de prendre un peu de temps...

C'est à la nuit tombante que l'on commence à voir ce qui se passe dans le four. Les couleurs d'incandescence s'avivent, la température monte...

Lorsque la couverture de tessons devient très chaude, les gaz de combustion se réenflamment, ce qui est toujours très bon signe...Et en fait c'est la couleur de ces flammes qui nous donnera le signal que la température nécessaire est atteinte. Mais quel signal faut-il attendre lorsque c'est la première expérience d'un nouveau type de cuisson? Bonne question...

Bonne question pour laquelle la recherche d'une réponse plausible peut demander un certain temps. Voire même un temps certain... Propice à certaine méditations...
Donc à 2 heures du matin, la couleur des flammes passant au bleuté semblant correcte, nous terminons la cuisson. Ce n'est pas sans inquiétude...
Sentir jusqu'où mener une cuisson, sentir quand il faut arrêter le feu est une question qui a toujours torturé les potiers de tous les temps et de tous les lieux...
Une cuisson est une espèce de long palabre dont l'issue est souvent incertaine, mais les traces toujours visibles..

Le lendemain en fin d'après-midi, défournement! Un peu de suie est encore présente sur les plaques de couverture.

La partie supérieure de la charge est parfaitement cuite, sans excès.

Les gobelets engobés n'ont pas grésé et sont restés rouges ce qui est normal. Un seul d'entre eux a commencé à gréser en partie. On trouve souvent des pièces antiques ainsi partiellement grésées, une partie étant sombre et l'autre claire.

Et surtout, grand soulagement, la partie inférieure de la charge est très bien cuite, avec de nombreuses pièces aux reflets irisés.

Une partie de la fournée. Il y avait en tout une centaine de pièces. Un seule casse. Lors d'une manipulation avant le chargement... Et aucune à la cuisson.












Le gobelet qui se trouvait dans la parie supérieure. Il présente ce flammage caractéristique des céramiques engobées gallo-romaines. D'autres pièces identiques placées dans la partie supérieure sont insuffisamment cuites, ce qui était prévisible. Elles repasseront dans la prochaine fournée.












Un gobelet à col cintré caractéristiques des productions d'Augustodunum. Il présente ces fameux reflets irisés, qu le font changer de couleur selon la lumière ambiante. Bleu à violet à l'extérieur par beau temps, il devient doré en lumière artificielle. Ici, la photo est prise en lumière naturelle, sous un ciel parfaitement gris...















Une autre pièce, un gobelet à haut col, présente un coloris un peu différent. le vernis est le même, mais le mélange de terres différent. le choix d'une combinaison entre l'argile pour le tournage et le vernis peut radicalement changer la couleur de la pièce







Belle réussite donc! mais pas facile à gérer en ce qui concerne les températures. Car vous l'aurez compris, ce serait trop facile de travailler à la sonde électronique. Et quelle importance si nous avons atteint 950, 1000 ou 1050 degrés? L'essentiel est que ce soit bien cuit....

Et merci à:

- Emmanuelle Du-Bouetiez-De-Kerorguen
- Annie Lefèvre
- Nadine Mahé-Hourlier
- Caroline Claude
- Elisabeth Lecler-Huby
Toutes céramologues INRAP,  qui ont participé activement à cette aventure et au stage dont c'était un des points culminants!

- Stéphane Alix, Responsable d'opérations INRAP, qui m'a mis à disposition toute la documentation nécessaire à la reconstruction de ce four de Pistillus!

- Yannick Labaune, Archéologue municipal de la Ville d'Autun, qui m'accorde toutes les facilités pour dénicher le tesson miracle ou l'élément clé du four inconnu dans ses caisses de mobilier de fouille!

- A la Ville d'Autun, qui a mis à disposition le four, mais surtout la maison , la "Domus Augustae", abritant le siège social de la Légion VIII

- Et enfin à l'association Légion VIII Augusta, sans qui rien n'aurait été possible, qui nous a mis gracieusement toutes ses infrastructures à disposition.

On recommencera, c'est promis et c'est pour bientôt!











mercredi 27 août 2014

Panorama céramique de Morat

KERAMIKPANORAMA MURTEN
PANORAMA CERAMIQUE DE MORAT
LES ARTS DU FEU SANS FRONTIERES

Les bords du Lac de Morat se transforment en un lieu de rencontre unique autour de l'art de la céramique contemporaine. Sculpture, design, histoire de la céramique, objets utilitaires, 80 céramistes de 15 pays différents présenteront leur oeuvres les
samedi 6 et dimanche 7 septembre prochains. 
Une diversité sans limites qui constitue l'âme du Panorama Céramique!
Le rendez-vous des arts du feu!
Nathalie Jover (France)
Walli Keppner ( Suisse)
Amateurs d'art ou passionnés de céramique, venez à la rencontre de ces créateurs sur les rives du Lac de Morat, ou encore dans les galeries de la vieille ville. 
le Panorama Céramique vous souhaite la bienvenue! 
Devinez...
 Vous pourrez me retrouver au stand No 52. Le plan se télécharge facilement sur le site de la manifestation à ce lien. Vous y trouverez également un aperçu de la production de tous les participants

Au plaisir de vous retrouver à Morat!

mardi 29 juillet 2014

Une cuisson d'amphores.



Lors d'un précédent article sur la fabrication des amphores gréco-italiques, nous en étions restés au stockage sur leur lieu de séchage. 
Elles ont attendu longtemps. Trouver trois jours de météo stable, sans orages ou grands vents n'a pas été simple cette année. Le grand four, dépourvu de toiture permanente est exposé à toutes les vicissitudes météorologiques possibles, mais se sont surtout les coups de vent qui sont dangereux. 

Cuire des amphores dans un four à bois n'est pas si simple, et que ce soit dans une réplique de four antique complique encore un peu les choses. La couverture de ce genre d'installations, (le couvercle de la casserole, en quelque sorte) faite de tuiles et de tessons est un peu incertaine. Qu'une seule plaque se casse en cours de cuisson, et il faudra réparer à chaud... Et qu'elle cède en cours de refroidissement ce qui est beaucoup plus rare, et c'est la catastrophe. Dans les deux cas, un gros puits de tirage se créera, et les chocs thermiques seront assurés. Il faut l'éviter à tout prix.
Les amphores prêtes à être chargées: 5 Dressel 1b quadrantales de 115 cm. , une bâtarde de 95 cm, et 2 gréco-italiques de 90 cm. Du beau monde...

Charger un four à amphores, c'est comme la fabrication, c'est assez sportif. L'enfournement doit se faire à deux ou trois personnes. L'une d'entre-elles me passe les pièces alors que je me trouve à l'intérieur du four, l'autre les maintient afin qu'elles ne basculent pas. Les plus grandes pièces pèsent environ 25 kg. , et pas question de les saisir par les anses qui ne résisteraient pas à une telle charge... Et donc pas le temps de prendre des images, trop préoccupés que nos sommes à éviter la casse. 
La charge est déjà recouverte d'une partie de ses tuileaux et le feu allumé. Nous sommes encore en préchauffage très doux.

Une fois le four chargé, il faut organiser la couverture. Les tuiles anciennes moulées à la main conviennent bien, il faut juste vérifier qu'elles ne soient pas fêlées. Les tuiles modernes fabriquées à la presse ne conviennent pas, l'argile trop fine et trop grasse éclatant très facilement en seconde cuisson. Parce que là est le problème. Ces tuiles seront soumises à la chaleur du four et donc partiellement ou totalement recuites. On peut éviter les tensions en rajoutant des tessons par-dessus cette première couverture. Cela permet aussi d'obturer les espaces trop importants qui généreraient trop de tirage. Avoir un bon tirage, c'est bien, mais trop conduit à une chauffe plutôt brutale et augmente donc des risques de casse, aussi bien des amphores que de la couverture. Et on n'oublie pas d'aménager un petit regard offrant un bon point de vue en profondeur. C'est cela qui permettra de jauger à l'oeil les températures de cuisson. 
C'est parti pour le grand feu! L'avant du four a été complétement reconstruit après un effondrement du aux intempéries... Avec une voûte en plein cintre et un arc de décharge, ça devrait tenir...
 
Vue par le regard ouvert: la couleur d'incandescence atteint progressivement le rouge orangé. Certains diront rouge cerise clair... D'autres rouge cerise clair tendant vers l'orangé...Théoriquement, je recherche une température de 950 à 980 degrés, et après c'est une question d'appréciation des couleurs, l'essentiel étant que ce soit correctement cuit... Sur cette vue, c'est presque bon. On ralentit un peu le feu pour égaliser les températures et réduire la différence entre le fond du four et sa partie supérieure, moins chaude.


 

Une demi-heure plus tard, je commence à recouvrir les tessons de cendres pour couper presque complètement le tirage, et simultanément je laisse le feu se calmer. Au final, un petit coup de réduction améliorera la résistance mécanique de la terre cuite. L'important est surtout de ralentir le plus possible le refroidissement. L'entrée du foyer est donc également obturée.




 
 















Le surlendemain, le four est encore très chaud, ce qui est un bon signe. Très progressivement, je commence à dégager la cendre et à retirer quelques tessons de couverture. Trois jours que je me ronge les ongles, je ne vais plus tarder à être fixé...
La couverture encore recouverte de cendres
 
Une petite vue de l'intérieur de l'installation avec encore une partie de sa couverture
Le chargement dégagé de sa couverture. Pas de fissures visibles, couleur allant du rouge brique au brun-rouge, tout a l'air parfait. Les températures peuvent avoir passé les 1000 degrés localement sans que l'influence soit importante sur la solidité de l'ensemble.


Débarrassées de leurs rallonges de col et autres cales de cuisson ou de couverture, nos amphores sont maintenant bien visibles. Que du bonheur! 

Et le chargement sorti du four. Une seule pièce présente une petite fissure, due à une erreur de tournage, un joint de raccord ayant été un peu "forcé"
Mais l'essentiel est surtout qu'il n'y a aucune casse due à la cuisson. Enorme soulagement. Lors des fournées précédentes j’avais eu une casse importante, mais aussi des conditions météo difficiles et mal maîtrisées. Cette cuisson pour moi représente un pas important, une sortie de la zone d'incertitude. Il aura fallu la casse d'une dizaine de pièces pour y parvenir. C'est une loi incontournable, il faut apprendre de ses erreurs...
Quelle belle fournée! Vivement la prochaine!


 Cette cuisson a été réalisée le 17 juillet dernier. Environ 40 kg de branches de hêtre et de frêne, puis 100 kg de résineux, épicéas et sapins douglas ont été nécessaires. La charge représentait une masse de 170 à 180 kg, plus une vingtaine de kilos de cales. Température environ 950 degrés, atteinte après un préchauffage de 4 heures puis 5 heures de grand feu.

mardi 27 mai 2014

Une cuisson en fosse à l'archéosite d'Ardèche

C'était le 1er mai dernier, à Randa Ardesca, le futur Archéosite d'Ardèche qui ouvrira tout bientôt ses portes. (www.randa-ardesca.com).
Afin d'optimiser le savoir.faire des animateurs du site, deux stages de perfectionnement à la céramique préhistorique et antique étaient prévus en ce début d'année. La première partie a été consacrée aux méthodes de fabrication, modelage, tournage et techniques hybrides. Le site de Randa Ardesca y consacre un article ici.
Lors de la seconde session, la cuisson d'un lot de céramiques préhistoriques modelées en mars était au programme. Il s'agissait de réaliser une cuisson en fosse ouverte, également dite en aire. Ce mode de faire est encore pratiqué en Afrique. Bien que les traces laissées par ce genre d'opération soient très fugaces, cette technique a été reconnue en Italie notamment pour la période néolithique.
On pratique une légère excavation, dont le remblai sert de paroi. Les céramiques y sont déposées en son centre. On veillera à pratiquer uen aire suffisamment large pour pouvoir préparer un feu de départ qui ne soit dans un premier temps pas en contact direct avec les vases mis à cuire.
Le feu est allumé progressivement jusqu'à ce qu'il forme un anneau autour du tas de céramiques. De simples déchets de taille de haies  et broussailles peuvent parfaitement convenir à ce type de cuisson. Guillaume et Benjamin, co-administrateurs du site suivent attentivement la progression du feu.
La montée en puissance du feu doit être progressive. Trop rapide, elle risquerait de provoquer l'éclatement des pièces les plus exposées.
Puis, progressivement, on referme le foyer sur les vases, un peu comme une corbeille que l'on monte à l'envers.
A la fin, la fournaise devient terrible, l'impact thermique est énorme, et les pièces cuisent très rapidement.
 Laissées dans le feu mourant, les céramiques redeviendraient claires par oxydation de leur surface. Tout l'art de ce genre d'opération réside en une imprégnation de carbone par contact pour les noircir. On retire donc à l'aide de longs bâtons les céramiques encore brûlantes du feu, et on les plonge dans un hachis végétal, Sciure, balle de céréales, herbe finement coupée, paille, tout peut faire l'affaire. On pourrait aussi les rouler dans l'herbe fraîche. L'effet serait toutefois moins puissant
Ainsi imprégnées, les pièces deviennent noires. Une sorte de raku préhistorique, en quelque sorte.
les vases qui restent dans la cendre s'éclaircissent progressivement. Leur couleur finale dépend à la fois des argiles utilisées et des combustibles. Ici, on est plutôt dans le gris clair, ce qui est plutôt rare.
Un beau "tableau de chasse"!. Aucune casse à déplorer, ce qui n'est guère courant. Ces cuissons sont brutales, et les argiles doivent être très résistantes pour les supporter sans dommage. On a ici un échantillonnage de pièces du néolithique et des âges du bronze ardéchois. Au premier plan, une trompe du Bronze final faite par Benjamin Margotton, notre luthier préféré, qui pour une fois a troqué le bois contre l'argile. Avec un certain bonheur, visiblement!